L'éveil du val

C'est un trou de verdure, où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent; où le soleil, de la montagne fière
Luit: c'est un petit val qui mousse de rayons

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu
Dort; il est étendu dans l'herbe, sous la nue
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme
Nature, berce-le chaudement: il a froid

Les parfums ne font pas frissonner sa narine
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit

Sa famille, ses camarades l'appelaient Pierre
Il avait 18 ans, rêvait d'être maçon
C'était avant que la trompette meurtrière
Retentisse au loin et l'étale dans le cresson

Son avenir était pourtant déjà prévu
Un travail honnête et quelques passe-temps sérieux
Peut-être parfois à la fête on l'aurait vu
Il avait le sourire des gens simples et heureux

Mais la guerre est déclarée sans référendum
Du peuple, on ne demande que le corps des hommes
Il faut être clair, son avis n'importe pas

Et c'est comme ça que la folie assassine
De dirigeants un peu trop plein d'adrénaline
Frappe partout et n'épargne que les bourgeois

Mais cette mort inique éclate comme un éclair
Il devient un symbole pour la population
Les peuples se rendent ainsi compte que ces guerres
Sont les jeux des puissants, desquels ils sont les pions

Au coeur de toutes les nations est répandu
De bouche à oreille ce mot d'ordre scandaleux
Et si on déclarait ensemble qu'on ne veut plus
S'entretuer au nom de leur passe-temps vicieux

Les chefs d'état lancent alors leur ultimatum
Poursuivez le combat, et avec décorum
Les armes bien lustrées, et tout le monde au pas

Les gens se concertent, une option se dessine
Tout le monde se cotise, pour une belle guillotine
C'est le plus efficace, pour abréger le combat