La planche clouée

Elle était belle avec ses nœuds
Ses petits cercles au milieu
On lui avait enlevé les échardes
Pour la toucher sans prendre garde

Juste une lasure pour la maquiller
Mais surtout ne pas trop l'éloigner
De son arbre, de sa provenance
Une caresse pour sa réminiscence

Cette planche, on la respectait
La remerciait chaque jour d'exister
Pour supporter bien des décors
Et assister à notre corps à corps

Elle voyait passer les années
Avait parfois déménagé
Allant du salon à la cuisine
Elle qui rêvait d'aller en Chine

Elle voyait passer les années
Au fil du temps, nous regardait
De la poussière s'entrechoquait
On avait cessé de l'effleurer

Il est arrivé avec ses clous rouillés
Esprit revêche et torturé
Son marteau cogna sur ses clous rouillés
La planche se mit à saigner
Et puis la sève a coulé

Cette planche est toute martelée
Avec ces marques de clous rouillés
Le métal s'enfonce dans ses veines
La blesse au fond, lui fait de la peine

Elle s'ouvre si délicatement
Pour lui laisser la place dedans
A cet intrus, à ce sale clou
Qui est entré au fond de nous... de nous... de nous

On a bien tenté de la soigner
Panser ses plaies, recommencer
Reconnaître son importance
Pour éviter une contredanse

Mais voilà, le mal était fait
Et la planche est toute trouée
Avec des marques indélébiles
On se la dispute, vlà que c est débile