Les damnés de la mer

Ils portent en eux
Les blessures de tout un peuple
Une tristesse d'une si grande stupeur Encore plus effrayante
Que la plus triste de tes peurs
Partir ou rester est une question
Qu'ils ne se posent plus
Pour un petit coin de paradis
Des milliers d'anonymes iront braver la tragédie
Tout semble pourtant naturel
Nos terres sont pleines de richesses
L'avenir sera d'une beauté réelle
Mais cet optimisme irrationnel
Est une infamie qui, cinq décennies durant,
N'a su qu'affamer nos familles

Nourris par le sentiment d'avoir été trahis
Par des hommes en qui l'on a
Peut-être inconsciemment cru
Ces hommes au langage facile
Aux propos parfois proches des paroles d'Evangile
Qui infligent la peine de mort à nos
ambitions Dans nos univers où il y a
Deux fois plus de problèmes que de solutions
Confrontés aux mêmes misères
Des êtres d'horizons divers errent
Et se retrouvent sur le même chemin de l'immigration
Une aventure ambiguë
Dans ces si fragiles embarcations
Mais lorsqu'on est perdu au comble du désespoir
Le meilleur peut naître du pire
C'est ce qu'on s'efforce soi-même de croire
La métropole ne peut certes accueillir
Toutes les misères du monde

Mais combien d'entre elles a-t-elle façonnés?
Combien d'entre nous a-t-elle affamés?
Dites-moi, combien de nos terres
Va-t-elle encore enflammer?
Balancés dans les rues en plein hiver
Alors qu'ils ont traversés l'enfer
Entre mer et désert
Déshumanisés, méprisés, rapatriés
Car, désormais, ils s'appellent les sans-papiers
Ceux dont le rêve était d'échappé aux griffes de la pauvreté
Se retrouvent prisonniers du destin
Comme dans les entrailles d'un négrier