Irruption

On sort en trombe, en nombre, on se déverse en plaine
En centaines, en millions, en milliards ou en millièmes
De quelques simples gouttes à des marées humaines
Des jaillissements d'aurore pour éclairer des emblèmes
Des lanternes dans la tête, si l'on plonge dans les ténèbres
On nous appelle "PD", "blancos", "bougnoules" ou bien "nègres"
On vit dans la riposte, on réfléchit après-coup
On vit extra-muros donc on arrive par vos égouts
Nous sommes des cargaisons d'femmes voilées, des youyous stridents
Des rastas, des casquettes tournées, des voyous prudents
Des espoirs accrochés, des paradis assassinés
Des parents épuisés enfantant des gosses méprisés
De la marmaille bruyante, des petits morveux frisés
Engraissés d'allocations qui donnent des prétextes à voter
Trouver des bouc-émissaires, les égorger pour l'Aïd
Mourir dans une clairière sans treillis pour ce pays
L'affiche est couleur sang, et Manouchian vient pas d'Auvergne
Le tirailleur t'emmerde, il a fécondé ta grand-mère
On investit Brongniart, le dos au mur comme Jean-Pierre Thorn
On s'en fout du grand soir parce que la nuit, c'est bien trop morne
On veut même pas d'soleil et des éclipses pour faire l'amour
Pour que l'instant soit bref, intense comme un fruit qu'on savoure
Aux armes miraculeuses on a lu Césaire et Prévert
On viendra vous faire la guerre avec la parole poudrière
On n'désigne plus l'ennemi, parce qu'il est partout même en nous
On va mourir debout parce qu'on a vécu à genoux
On est sourds aux slogans élimés par trop d'manif's
On devient arrogants on veut rimer comme des canifs
On n'a plus 20 ans mais on n'en aura jamais 60
Car on bouffe du bisphénol à l'heure d'une planète suffocante
On fait d'nous des enfants pour nous interdire des luttes
Donc non, pan Peter-Pan on va redevenir adultes
On a coincé nos rages entre l'mérite et l'héritage
Et les puissants confisquent ce que les pauvres se partagent
À leurs chaises musicales, personne ne joue, personne s'assoit
On occupe du terrain, être indigné ça va de soi
Angela ké fend'tchou aw pendant qu'ton papa est pas là
On va ouvrir les portes de Soledad ou Attica
Pharmaco-dépendants des OGM pour nous doper
J'ai recraché l'assiette, monté le cheval et galopé
Braqué un RER-dilligence, l'Apache de Belleville
Viendra crier vengeance comme Balavoine arrive en ville
Ils veulent nous assigner des places, et nous faire saigner
Les amoureux aux bancs publics n'arrêteront jamais de s'aimer
Depuis qu'nos checks ressemblent à des poignées de main de Montoire
On ne laissera personne parler au nom de nos espoirs
On n'est pas des victimes, encore moins des condamnés
On arrivera de l'aube en irruption spontanée



Credits
Writer(s): Gael Faye, Guillaume Poncelet, Pascal Luvisi
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