Le Prix De L'Or
Emanual
— Capitan, écoutez-moi un seul instant.
Moi, j'ai soumis moultes palaces,
j'ai maîtrisé hémorragies,
terres de feu, enfers de glace
et plus que tout, la nostalgie.
Trois ans, capitan, trois ans
à contourner tous ces récifs.
J'allais, heureux, en transformant
mes volontés en or massif.
Sur mon passage j'ai tout vaincu.
Je suis, vivant, une céphéide.
Jamais pourtant je n'aurais cru
périr par un mouvement du vide.
Trente et troisième jour aujourd'hui
qu'il n'a venté ni n'a plu.
La mer étale son ennui,
notre vaisseau n'avance plus.
Et nous voilà, pantins du sort,
voiles mortes au galion funèbre,
perdus au large des Açores.
Le compas sombre dans les ténèbres.
Le soleil chauffe encore et encore.
Misère! Tout ce qui vit pourrit.
L'eau s'échappe de nos corps.
Plus une goutte dans les barils.
Empalés par le délire,
tous le scorbut à la bouche,
de fond en comble du navire,
les marins tombent comme des mouches.
Ils ont mangé le dernier chien,
l'albatros et le cuir des câbles.
Il ne reste vraiment plus rien
que d'attendre une mort affable.
Capitan, écoutez-moi un seul instant.
Inocencio, il vend son eau
à des squelettes agonisants,
une lampée pour un lingot.
Inocencio, cet être fourbe,
celui-là qui ne croit à rien,
il a de l'eau plein sa gourde.
Réquisitionnez-la au moins!
Je sais, vous êtes obéissant
aux lois qui règnent sur la mer.
Mais craignez celles du Tout-Puissant
si vous abandonnez vos frères.
Ces hommes-là ont amassé
dans la cale une montagne
d'or, d'argent, d'opale, assez
pour acheter couronne d'Espagne.
Si nous mourons, tout tombera
aux mains des pirates portugais.
Sans même qu'ils aient livré combat
ils prendraient le trésor? Jamais!
Moi, Emanual d'Estremadure,
où les moulins commandent au vent,
je peux vivre sans nourriture;
la honte me tuera bien avant.
(Le capitan meurt.)
Oyez marins! Oyez marins!
Le capitaine vient de mourir.
Je prends au nom de Charles Quint
le commandement de ce navire.
Dieu a jeté son mauvais œil
sur le butin de nos conquêtes.
De voir nos cœurs remplis d'orgueil
il rage de nous avoir fait naître.
Tous sur le pont! Rassemblement!
Que chacun de nous se mette à genoux
et fasse au ciel un grand serment.
Il veut sa part, soumettons-nous.
Señor Dios, si la pluie tombe, si le vent monte,
je jure qu'arrivé à Tolède,
au premier mendiant que je rencontre,
je donne tout ce que je possède.
Ramon
— Je solderai cinq mille soldats
pieux et cruels. En mouvement,
par les sables du Sahara,
je détruirai les Musulmans.
Juan
— Si vous nous exaucez, Señor,
je vous comblerai de louanges,
j'irai à Rome fondre mon or
dans les chaudières de Michel-Ange.
Velasco
— Moi, Velasco, Prince d'amour,
les femmes se battent pour m'avoir.
Je fixerai l'astre du jour
et brûlerai mes beaux yeux noirs.
Alonzo
— Moi qui n'ai pas de si beaux yeux,
qui n'ai l'amour qu'au bout d'une lame,
je remettrai mon or précieux
à l'homme qui couche avec ma femme
Arroyo
— Je veux la fin de mon calvaire.
Mon or est bu, j'ai soif encore.
Or tuez-moi! De toutes manières
d'ici demain je serai mort.
Combien de fois faut-il crever
pour contenter ce Dieu-Satan.
Je vous demande de m'achever
à l'arquebuse, à bout portant.
Emanual
— Inocencio, fais quelque chose,
donne-lui de l'eau, je t'en supplie;
je ne défendrai pas ta cause
si venait à tomber la pluie.
Inocencio
— Arrêtez-moi tout ce vacarme.
Priez, pleurez, bande d'idiots.
Dans la salive et dans les larmes
il y a, crétins, surtout de l'eau.
Juan
— Voyez! Un frisson dans la voile.
Si, si, le bateau a bougé.
Comandante Emanual,
nous avançons! Nous sommes sauvés!
Emanual
— Tu as raison. Je sens le vent.
Dieu a levé la quarantaine.
À nous la grâce des survivants,
à moi la part du capitaine.
Tous
— Quand nous arrivons à Séville
il y aura du vin et des filles.
Un marin
— Mais mon comandante vous ne pouvez pas,
votre serment, votre trésor au premier mendiant de Tolède?
Comandante Emanual, vous ne pouvez pas, vous ne pouvez pas,
Votre serment au premier mendiant de Tolède.
Emanual
— La règle d'or tu connais pas?
Si tu as l'or, tu fais la loi;
et corollaire de cette règle,
si t'as pas l'or, tu fais le nègre.
Ah! Ah! Ah! Ah!
À bien y penser, moi je n'aime pas Tolède,
le roi est vaniteux et la reine est si laide.
En arrivant là-bas j'achète l'Armada,
Je prends le Sud, je prends le Nord et je suis roi.
Viva viva España, viva viva moi!
Et toi, Prince d'amour, qui as de si beaux yeux,
tu veux toujours incendier les cieux?
Velasco
— Pas aujourd'hui, señor, c'est un peu nuageux.
La vie, elle est si courte, attendons d'être vieux.
Viva España, viva viva moi!
Juan
— Commodore, ça va mal,
le vent va déchirer la voile,
la vague veut nous submerger.
Nous sommes un peu, un peu chargés.
Emanual
— Du calme, du calme! Par-dessus bord, allons!
les prisonniers et les canons!
Attachez-moi l'homme à la roue,
attachez tout, attachez-vous.
Viva España, viva viva moi!
Dis, Alonzo, et le señor dans ton lit,
tu vas lui apporter des fleurs aussi?
Alonzo
— Il trouvera mon or bien froid
quand je lui percerai le foie.
Viva España, viva viva moi!
Juan
— Commodore, les calfateurs
sont débordés! Oh quel malheur!
nous sommes entraînés par le fond.
Malédiction, c'est un typhon!
Coulé!
— Capitan, écoutez-moi un seul instant.
Moi, j'ai soumis moultes palaces,
j'ai maîtrisé hémorragies,
terres de feu, enfers de glace
et plus que tout, la nostalgie.
Trois ans, capitan, trois ans
à contourner tous ces récifs.
J'allais, heureux, en transformant
mes volontés en or massif.
Sur mon passage j'ai tout vaincu.
Je suis, vivant, une céphéide.
Jamais pourtant je n'aurais cru
périr par un mouvement du vide.
Trente et troisième jour aujourd'hui
qu'il n'a venté ni n'a plu.
La mer étale son ennui,
notre vaisseau n'avance plus.
Et nous voilà, pantins du sort,
voiles mortes au galion funèbre,
perdus au large des Açores.
Le compas sombre dans les ténèbres.
Le soleil chauffe encore et encore.
Misère! Tout ce qui vit pourrit.
L'eau s'échappe de nos corps.
Plus une goutte dans les barils.
Empalés par le délire,
tous le scorbut à la bouche,
de fond en comble du navire,
les marins tombent comme des mouches.
Ils ont mangé le dernier chien,
l'albatros et le cuir des câbles.
Il ne reste vraiment plus rien
que d'attendre une mort affable.
Capitan, écoutez-moi un seul instant.
Inocencio, il vend son eau
à des squelettes agonisants,
une lampée pour un lingot.
Inocencio, cet être fourbe,
celui-là qui ne croit à rien,
il a de l'eau plein sa gourde.
Réquisitionnez-la au moins!
Je sais, vous êtes obéissant
aux lois qui règnent sur la mer.
Mais craignez celles du Tout-Puissant
si vous abandonnez vos frères.
Ces hommes-là ont amassé
dans la cale une montagne
d'or, d'argent, d'opale, assez
pour acheter couronne d'Espagne.
Si nous mourons, tout tombera
aux mains des pirates portugais.
Sans même qu'ils aient livré combat
ils prendraient le trésor? Jamais!
Moi, Emanual d'Estremadure,
où les moulins commandent au vent,
je peux vivre sans nourriture;
la honte me tuera bien avant.
(Le capitan meurt.)
Oyez marins! Oyez marins!
Le capitaine vient de mourir.
Je prends au nom de Charles Quint
le commandement de ce navire.
Dieu a jeté son mauvais œil
sur le butin de nos conquêtes.
De voir nos cœurs remplis d'orgueil
il rage de nous avoir fait naître.
Tous sur le pont! Rassemblement!
Que chacun de nous se mette à genoux
et fasse au ciel un grand serment.
Il veut sa part, soumettons-nous.
Señor Dios, si la pluie tombe, si le vent monte,
je jure qu'arrivé à Tolède,
au premier mendiant que je rencontre,
je donne tout ce que je possède.
Ramon
— Je solderai cinq mille soldats
pieux et cruels. En mouvement,
par les sables du Sahara,
je détruirai les Musulmans.
Juan
— Si vous nous exaucez, Señor,
je vous comblerai de louanges,
j'irai à Rome fondre mon or
dans les chaudières de Michel-Ange.
Velasco
— Moi, Velasco, Prince d'amour,
les femmes se battent pour m'avoir.
Je fixerai l'astre du jour
et brûlerai mes beaux yeux noirs.
Alonzo
— Moi qui n'ai pas de si beaux yeux,
qui n'ai l'amour qu'au bout d'une lame,
je remettrai mon or précieux
à l'homme qui couche avec ma femme
Arroyo
— Je veux la fin de mon calvaire.
Mon or est bu, j'ai soif encore.
Or tuez-moi! De toutes manières
d'ici demain je serai mort.
Combien de fois faut-il crever
pour contenter ce Dieu-Satan.
Je vous demande de m'achever
à l'arquebuse, à bout portant.
Emanual
— Inocencio, fais quelque chose,
donne-lui de l'eau, je t'en supplie;
je ne défendrai pas ta cause
si venait à tomber la pluie.
Inocencio
— Arrêtez-moi tout ce vacarme.
Priez, pleurez, bande d'idiots.
Dans la salive et dans les larmes
il y a, crétins, surtout de l'eau.
Juan
— Voyez! Un frisson dans la voile.
Si, si, le bateau a bougé.
Comandante Emanual,
nous avançons! Nous sommes sauvés!
Emanual
— Tu as raison. Je sens le vent.
Dieu a levé la quarantaine.
À nous la grâce des survivants,
à moi la part du capitaine.
Tous
— Quand nous arrivons à Séville
il y aura du vin et des filles.
Un marin
— Mais mon comandante vous ne pouvez pas,
votre serment, votre trésor au premier mendiant de Tolède?
Comandante Emanual, vous ne pouvez pas, vous ne pouvez pas,
Votre serment au premier mendiant de Tolède.
Emanual
— La règle d'or tu connais pas?
Si tu as l'or, tu fais la loi;
et corollaire de cette règle,
si t'as pas l'or, tu fais le nègre.
Ah! Ah! Ah! Ah!
À bien y penser, moi je n'aime pas Tolède,
le roi est vaniteux et la reine est si laide.
En arrivant là-bas j'achète l'Armada,
Je prends le Sud, je prends le Nord et je suis roi.
Viva viva España, viva viva moi!
Et toi, Prince d'amour, qui as de si beaux yeux,
tu veux toujours incendier les cieux?
Velasco
— Pas aujourd'hui, señor, c'est un peu nuageux.
La vie, elle est si courte, attendons d'être vieux.
Viva España, viva viva moi!
Juan
— Commodore, ça va mal,
le vent va déchirer la voile,
la vague veut nous submerger.
Nous sommes un peu, un peu chargés.
Emanual
— Du calme, du calme! Par-dessus bord, allons!
les prisonniers et les canons!
Attachez-moi l'homme à la roue,
attachez tout, attachez-vous.
Viva España, viva viva moi!
Dis, Alonzo, et le señor dans ton lit,
tu vas lui apporter des fleurs aussi?
Alonzo
— Il trouvera mon or bien froid
quand je lui percerai le foie.
Viva España, viva viva moi!
Juan
— Commodore, les calfateurs
sont débordés! Oh quel malheur!
nous sommes entraînés par le fond.
Malédiction, c'est un typhon!
Coulé!
Credits
Writer(s): Richard Desjardins
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