New York 1966

Il est 20h
On est à New York en 1966
Et je crois que je vais vomir
La lumière des flashs des photographes
Les vidéos projetées partout sur les murs
Ces mêmes murs, dont certains
Recouverts d'aluminium, reflètent
L'éclairage et renforcent l'éblouissement

Les bijoux, les strass, les paillettes
Les verres qui tintent, les dents qui s'illuminent
Les pupilles qui se dilatent
Les cœurs qu'on peut presque entendre
Battre de plus en plus fort à l'unisson
C'est peut-être cette harmonie
Cette alchimie que veut créer Andy en nous plaçant là tous ensemble
Des fois il me rappelle les vielles voisines de mon quartier

Quand elles préparaient méticuleusement le râmen
Chaque ingrédient, chaque épice, la chaleur
Le temps de cuisson, tout avait de l'importance
C'est ce que je ressens à chaque fois que je viens à la Factory
Comme si on était tous des ingrédients
Soigneusement choisis par Andy, pour créer son ragoût à lui

Ce soir, c'est la première fois qu'on joue
Enfin, pour de vrai quoi
Et putain, commencer par un kick devant un tel public
Ça vous fout les tripes à l'air
C'est ce soir que Lewis meurt
Ce soir que Lou devient

Baby vient me saluer
Elle est avec Sugar, et toutes les deux sont éblouissantes
On en voit nulle part ailleurs de filles comme ça
Des filles qui viennent des quatre coins du pays
Arrivées ici en stop ou en bus
Elles se sont données naissance en chemin

Quittant le Kansas en tant que Joe
Arrivant à la Factory en tant que Dolly
Sourcils épilés, jambes rasées
Lui est devenue Elle
J'entends à peine ce qu'elles me disent au milieu du bourdonnement de la foule
Et de la musique qui semble rebondir sur les corps

C'est bizarre, parfois, la vie
C'est peut-être ça qu'on appelle le destin
J'en sais rien, mais ce que je sais
C'est que j'étais fait pour être ici ce soir
Parmi ces gens, dans cette ville, à cette époque
Tout en moi était à l'étroit avant

Et n'attendait qu'à éclore ici, maintenant
C'est vrai que pour petit garçon juif de Brooklyn
Je paraissais plus destiné à devenir comptable comme mon père
Ou avocat comme mon oncle Abel
Tout, sauf Lou
Du Velvet Underground

Mais il y a de tout à la Factory
Des jeunes, des vieux
Des femmes, des hommes
Et tout entre les deux
Des riches, des pauvres
Des junkies, des fous
On est tous là
Et plus personne n'existe réellement

On est comme un magma
Une énergie
Un monde nouveau
Où l'individu disparaît derrière le collectif
Andy dit qu'un jour
Tout le monde aura son quart d'heure de célébrité
Je sais pas si c'est vrai
Je sais même pas si c'est ce qu'on souhaite

J'ai l'impression que si on est ici
C'est surtout pour disparaître
Pas disparaître comme un truc négatif et définitif
Plutôt se délester de l'ego
Oublier le passé
La famille, les problèmes et les angoisses
Et pouvoir se réinventer
Ici on est pas Jack, Annie ou Lewis
Ici, on est Ultra Violet, Candy Darling, Holly Woodlawn

Ici on façonne celui qu'on veut être
Homme ou femme
Humain ou plus que ça
Moi, je me suis toujours senti trop à l'étroit
Dans le costume de Lewis Allan Reed
Devenir Lou du Velvet Underground

C'est pour ça que je suis né
Et c'est ce soir la délivrance
Sterling, Joe et Moe me font un signe
C'est l'heure
Je sens l'adrénaline monter
Mon pouls s'accélère
Je peux presque l'entendre battre contre mes typans
Comme un...



Credits
Writer(s): Simon Henner, Frederic Nevchehirlian, Simon Johannin, Capucine Johannin
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