La rose la bouteille et la poignée de mains

Cette rose avait glissé de
La gerbe qu'un héros gâteux
Portait au monument aux Morts
Comme tous les gens levaient leurs
Yeux pour voir hisser les couleurs
Je la recueillis sans remords

Et je repris ma route et m'en allai quérir
Au p'tit bonheur la chance, un corsage à fleurir
Car c'est une des pires perversions qui soient
Que de garder une rose par-devers soi

La première à qui je l'offris
Tourna la tête avec mépris
La deuxième s'enfuit et court
Encore en criant "Au secours"

Si la troisième m'a donné
Un coup d'ombrelle sur le nez
La quatrième, c'est plus méchant
Se mit en quête d'un agent

Car, aujourd'hui, c'est saugrenu
Sans être louche, on ne peut pas
Fleurir de belles inconnues
On est tombé bien bas, bien bas

Et ce pauvre petit bouton
De rose a fleuri le veston
D'un vague chien de commissaire
Quelle misère, quelle misère

Cette bouteille était tombée
De la soutane d'un abbé
Sortant de la messe ivre mort
Une bouteille de vin fin
Millésimé, béni, divin
Je la recueillis sans remords

Et je repris ma route en cherchant, plein d'espoir
Un brave gosier sec pour m'aider à la boire
Car c'est une des pires perversions qui soient
Que de garder du vin béni par-devers soi

Le premier refusa mon verre
En me lorgnant d'un oeil sévère
Le deuxième m'a dit, railleur
De m'en aller cuver ailleurs

Si le troisième, sans retard
Au nez m'a jeté le nectar
Le quatrième, c'est plus méchant
Se mit en quête, d'un agent

Car, aujourd'hui, c'est saugrenu
Sans être louche, on ne peut pas
Trinquer avec des inconnus
On est tombé bien bas, bien bas

Avec la bouteille de vin fin
Millésimé, béni, divin
Les flics se sont rincé la dalle
Un vrai scandale

Cette pauvre poignée de main
Gisait, oubliée en chemin
Par deux amis fâchés à mort
Quelque peu décontenancée
Elle était là, dans le fossé
Je la recueillis sans remords

Et je repris ma route avec l'intention
De faire circuler la virile effusion
Car c'est une des pires perversions qui soient
De garder une poignée de main par-devers soi

Le premier m'a dit "Fous le camp
J'aurais peur de salir mes gants"
Le deuxième, d'un air dévot
Me donna cent sous, d'ailleurs faux

Si le troisième, ours mal léché
Dans ma main tendue a craché
Le quatrième, c'est plus méchant
Se mit en quête d'un agent

Car, aujourd'hui, c'est saugrenu
Sans être louche, on ne peut pas
Serrer la main des inconnus
On est tombé bien bas, bien bas

Et la pauvre poignée de main
Victime d'un sort inhumain
Alla terminer sa carrière
À la fourrière

À la fourrière
À la fourrière



Credits
Writer(s): Georges Brassens
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