Complainte Du Progrès

La complainte du progrès

Autrefois pour faire sa cour, on parlait d'amour
Pour mieux prouver son ardeur, on offrait son cœur
Maintenant, c'est plus pareil, ça change, ça change
Pour séduire le cher ange, on lui glisse à l'oreille

Ah, Gudule, viens m'embrasser
Et je te donnerai
Un frigidaire, un joli scooter
Un atomixeur et du Dunlopillo
Une cuisinière avec un four en verre
Des tas de couverts et des pelles à gâteaux

Une tourniquette pour faire la vinaigrette
Un bel aérateur pour bouffer les odeurs
Des draps qui chauffent, un pistolet à gaufres
Un avion pour deux et nous serons heureux

Autrefois s'il arrivait que l'on se querelle
L'air lugubre on s'en allait en laissant la vaisselle
Maintenant, que voulez-vous, la vie est si chère
On dit "rentre chez ta mère" et l'on se garde tout

Ah, Gudule, excuse-toi
Ou je reprends tout ça
Mon frigidaire, mon armoire à cuillères
Mon évier en fer et mon poêle à mazout
Mon cire-godasses, mon repasse-limaces
Mon tabouret à glace et mon chasse-filous

La tourniquette à faire la vinaigrette
Le ratatine-ordures et le coupe-friture

Et si la belle se montre encore rebelle
On la fiche dehors pour confier son sort
Au frigidaire, à l'efface-poussière
À la cuisinière, au lit qu'est toujours fait
Au chauffe-savates, au canon à patates
À l'éventre-tomates, à l'écorche-poulet
Mais très, très vite, on reçoit la visite
D'une tendre petite qui vous offre son cœur

Alors on cède car il faut bien qu'on s'entraide
Et l'on vit comme ça jusqu'à la prochaine fois
Et l'on vit comme ça jusqu'à la prochaine fois
Et l'on vit comme ça
Jusqu'à la prochaine fois



Credits
Writer(s): Boris Paul Vian, Alain Yves Reginald Goraguer
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