La guinguette a fermé ses volets

La guinguette a fermé ses volets.
Les joyeux triolets
De l'accordéon fusent.
On voit, comme sur un écran
Des profils inquiétants
Dont les ombres s'amusent.
On dit que, pourtant, un costaud,
Qui frisa l'échafaud
Pour des vendus qui rusent,
Vient d'entrer, rageur,
En vengeur...
Ouis, mais...
La guinguette a fermé ses volets.
Le rythme des pas... incertain...
Soudain...
Serait-ce l'heure?
Et dans l'accordéon plaintif,
Craintif,
Un son demeure!...
Des jurons de voix mâles
Et des râles,
La chute de corps lourds,
Hargneux, des coups sourds.

La guinguette a fermé ses volets.
Le même son inquiet
De l'accordéon glace.
On voit, comme sur un écran,
Des couples haletants
Dont les ombres grimacent.
On devine, aux chocs, la fureur
Des costauds en sueur
Qui roulent et qui s'enlacent,
On voudrait bien voir
Et savoir.
Ouis, mais...
La guinguette a fermé ses volets.
Le calme revient brusquement.
Vraiment,
Etait-ce un leurre?
Pourquoi ces sanglots convulsifs,
Furtifs?...
Des femmes pleurent.
Là-bas, un groupe traîne
Vers la Seine,
Quelque paquet maudit
Qui sombre en la nuit...

La guinguette a rouvert ses volets.
Les joyeux triolets
De l'accordéon fusent.
Les lampions éclairent, discrets,
Les couples guillerets
En leurs ombres confuses.
On dit que, ce soir, le costaud
Qui frisa l'échafaud
Pour des vendus qui rusent,
Est sorti très gai.
Est-ce vrai?
Ouis, mais...
La guinguette avait mis ses volets...



Credits
Writer(s): L. Montagne, G. Zwingel
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