Le cygne

Paris change, mais rien dans ma mélancolie
N'a bougé, palais neufs, échafaudages, blocs
Vieux faubourgs, tout pour moi devient allégorie
Et mes chers souvenirs sont plus lourds que des rocs

Assis devant le Louvre, une image m'opprime
Je pense à mon grand cygne, avec ses gestes fous
Comme les exilés ridicules et sublimes
Et rongés d'un désir sans trêve, et puis à vous

Andromaque, des bras d'un grand époux tombée
Vil bétail, sous la main du superbe Pyrrhus
Auprès d'un tombeau vide, en extase courbée
Veuve d'Hector, hélas, et femme d'Hélénus

Je pense à la négresse, amaigrie et phtisique
Piétinant dans la boue et cherchant, l'oeil hagard
Les cocotiers absents de la superbe Afrique
Derrière la muraille immense du brouillard

À quiconque a perdu ce qui ne se retrouve
Jamais, jamais, à ceux qui s'abreuvent de pleurs
Et tètent la douleur comme une bonne louve
Aux maigres orphelins séchant comme des fleurs

Ainsi, dans la forêt où mon esprit s'exile
Un vieux souvenir sonne à plein souffle du cor
Je pense aux matelots oubliés dans une île
Aux captifs, aux vaincus, à bien d'autres encore



Credits
Writer(s): Marcel Mouloudji, Charles Baudelaire
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