Un soir de semaine

C'était un soir, un soir de semaine et de caféine
Un soir où ta chaise et la mienne était voisine
C'était au rendez-vous des âmes abimées
Sous des néons bègues gênés par la fumée

C'était le soir 8 heures, au sous-sol de l'église
Là où les cœurs tour à tour faisaient un strip-tease
C'était au cœur d'un regroupement de grands blessés
Là où les pleurs se donnent le droit d'éclabousser

C'était le soir et Dieu à l'étage du dessus
Dans son sommeil du juste n'a rien entendu
C'était le soir quand nous nous sommes mis à nus
Quand nos tristes histoires se sont reconnues

C'était un soir d'orage, un soir d'après rechute
Un de ces soirs où certains poignets se charcutent
Je m'en foutais que tu sois obèse, que tu sois brute
Tu t'en foutais que je sois mauvaise, que je sois pute

C'était un soir, un soir de semaine et de nicotine
J'avais le week-end encore tout chaud dans les narines
C'était au carrefour de écorchés anonymes
Là où l'on partage un mal de vivre unanime

On était tous des frères de sang et de café tiède
Rassemblés chez notre vieille mère, le besoin d'aide
Nous deux n'avions pas de crochus que nos atomes
Et de vidés, pas que nos verres, on se tire au fond

C'était le soir et Dieu à l'étage du dessus
Malgré l'invitation n'est jamais descendu
J'suis pas certaine et je crois que nos confessions tordues
L'auraient laissé de marbre et froid comme sa statue

C'était un soir, un soir de semaine et de pleine lune
Un soir où ta chaise et la mienne ne faisaient qu'une
Je m'en foutais que tes gros bras soient tout tatoués
Tu t'en foutais que mes petits bras soient tout troués

C'était un soir qui aurait pu être le dernier
Si les chaises avaient été autrement placées
Au fond peut-être que Dieu était passé plus tôt
Peut-être que c'est lui qui avait écrit le scénario

C'était pas exactement ce qu'on appelle un mariage
Mais quand le clocher s'est fait foudroyer dans l'orage
On a vu les néons toussoter puis s'éteindre
Et nous en avons profité pour nous étreindre

C'était pas exactement ce qu'on appelle un coup de foudre
T'étais pas là pour jeter à mes yeux plus de poudre
J'ignorais que ça se pouvait que l'amour se développe
Quand on a sali tout ce qu'on avait d'amour propre

Ça s'est passé tout près d'un tiroir à soutane
Ça s'est passé grâce à deux chaises et à une panne
À la lueur des flammes d'une dizaine de briquets
Y avait qu'entre nous deux que le courant passait

Nous sommes sortis comme deux aveugles sans leur canne
Je t'ai invité à venir siroter une tisane
La tempête faisait rage, il tombait des gros clous
Nous avons traversé l'orage, bras dessus, bras dessous



Credits
Writer(s): Lynda Lemay
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