La morale d'un candide

A priori c'est une région, de versants, de rivières
D'industrie et de religion, je pars traversant la Bavière
Soudain à mes yeux s'offrent Prague et les soyeux reliefs tchèques
Où dédain et drogue se drague, où l'on coffre pour un chèque
Les contrebandes de Varsovie, les bandes de Kiev et d'Ukraine
Demande un avis, la mafia dans ce fief est reine
La loi de l'Omerta, le Sud de la Russie
Moi dans l'effroi de leurs Etats si rudes, je suis en sursis
Sans parcimonie, comme un homme errant
Passe l'Arménie sans harmonie, en somme arrive à Téhéran
Sur les rives de la mer Caspienne au nord de l'Iran
Jusqu'à la mort combien soutienne sans aucun remord un tyran?
Afghanistan, Pakistan, le combat de Massoud
En bas des monts résistants, là où les ethnies se dessoudent
Mon cœur se blinde entre rancœur et frénésie
Sous les heurts et les peurs passe l'Inde et l'Archipel d'Indonésie

Les semelles défraichies par le vieux continent
Je pars naïf, impertinent mais parfois le feu rafraichi
Peu chétif j'ai franchi les frontières de mon territoire
Affranchi, je blanchis quand se mêle prière et victoire
Les semelles défraichies par le vieux continent
Je pars naïf, impertinent mais parfois le feu rafraichi
La foi presque sauve, j'avais l'âme d'un Candide
Maintenant le calme du fauve, la fresque n'a rien de splendide

La Papouasie loin de Bali, ses hommes, ses tribus d'indigènes
Après l'Asie, c'est l'Australie comme rebus des aborigènes
Des gens que l'on jette sans gêne, que l'on marginalise
C'est l'argent que l'on sacralise, c'est abject et moi j'analyse
Puis c'est l'océan Pacifique, ses archipels
Où chaque île est un scalpel sous une idylle spécifique
Un paradis soporifique dans le rose et l'utopique
La thune ira dit le typique, les lacunes sont catastrophiques
Dans leur lagune, rien de grandiose
Rien d'homérique, je file en Amérique mais au Chili j'ai plus grand-chose
A Santiago, je rêve du Nord avili par la pollution
Sans magot défie la mort, Etats-Unis: seule solution
Valeureux mais démuni, je traverse le Costa Rica
Les averses, les désunis, les malheureux et caetera
Ce lendemain sans Arnica, je dépasse le Mexique
Ce gamin qu'on enterrera, il trépasse, j'en perds mon lexique

Consciencieux dès mon arrivée, pour perspective le Texas
Sur les cieux, les yeux rivées, ma rétrospective me désaxe
Des invectives parlent d'entraxes, est-ce de circonstance?
Leur détective avec prestance parle de guerre hélas
Vers l'Est je circule, c'est la Nouvelle Orléans
Dans ce qu'il reste des véhicules, des personnes vivent dans le néant
Le glas sonne, dérive du rêve américain
Je prends du recul, résonne, le mien deviendra africain
Quoi qu'il adviendra, je parviens jusqu'au Sénégal
Comprends que tout est inégal, partout je suis dans de beaux draps
Je m'éprends d'humanitaire, ça s'écartèle sous des drapeaux
Rien d'immunitaire, des attelles sous la peau
Des corps pleins d'anomalies, le ventre immonde des biafrais
Nos rencontres d'un monde balafré, j'ai pour décor la Somalie
La misère n'a pas de carrefour, l'agonie est totale
L'hexagone, un piédestal, je parle du désert du Darfour

Rien de féérique
De mon itinéraire à travers le globe
Je n'en retiens pas ses criques
J'ai des images funéraires, des cris au-dessus du l'aube
L'eldorado se fabrique et mon recul en sera les briques
J'ai vu la survie, la mort, la souffrance
Aujourd'hui sans remords, ma vie sera en France



Credits
Writer(s): Faïçal Brahim
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