Idylle au Saxifrage

À l'arrière d'un carrosse, je ne sais quelle vue choisir
Ma compagnie atroce ou les arbres fleurir
Les abeilles véloces où la rose se flétrir?
Est-ce mon sacerdoce? Voir la viande pourrir?

À ma gauche la fenêtre distille son air pur
Mais en face tes miasmes ont l'effet du cyanure
Tes traits criblés de glas n'ont plus rien d'une épure
La carne corrodée grâce au cousin du cénure

Entre autres anthropophages j'énumère les réduves
Le fiacre une fournaise: pour nos êtres une étuve
Je sens partout grouiller de liquides effluves
Pour que tu cesses de suinter faut-il que je t'encuve?

De ton trépas précoce, 10 doigts comptent les années
En effet tu es jeune, ou plutôt tu l'étais
Car désormais tu jeûnes, petite viande avariée
Et ta beauté féroce coule sur mes souliers

Putrides épanchements qu'épongent mes tissus
Sur ma laine tes humeurs ont marqué les motifs
Tellement de couleur de tous tes trous issus
Observe où va mon sang, vois je suis émotif

Je regarde l'abime dans tes globes écurés
Te tuer fut pour moi une véritable cure
Ton voyage lit de noce pas devant le curé
L'entracte enfin levé place à la sinécure

D'abord très lentement je te cartographie
Je découvre ton corps sans aucun préambule
Ta chair est un charnier que le temps bonifie
Je dévoile avec joie l'or de ton vestibule

Les frusques de ta carcasse cahotent sous mes à-coups
Je suis le gourmet de ta chair, comme toi j'ai mauvais goût
Charognard en apnée je visite tes égouts
La caboche cabosser de coups tu restes un bon coup

À l'orée de l'orgasme, mes cris s'intensifient
Notre idylle un conflit, pas un conciliabule
Tu es pleine à présent, comme les fruits confits
Le plaisir consommé, voilà que je fabule

Tu es mon mets méphitique, ma fée fétide
Mon excrémentiel ciel, ma délétère terre
Ma nymphe infecte, abject objet, aspect espiègle
Malgré ta répugnante pulpe

Fatigué de mon crime et de mes courbatures
À mes yeux tu n'es plus qu'une caricature
Un mariage de rosse, plutôt une aventure
Dernier acte amorcé, ta place en sépulture

CARMIN
CAMAÏEU

Je descends du carrosse, j'ai une tombe à choisir
Un lopin, une bosse, où rien ne va fleurir
Une profonde fosse où tu puisses flétrir
Ah, mais quel sacerdoce, voir la viande pourrir



Credits
Writer(s): Antoine Cantiny, Jean-baptiste Alfonsi
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